top of page
  • Photo du rédacteurMalau

Initiation à la sigillographie.

Dernière mise à jour : 2 déc. 2023

Mais qu'est-ce que c'est que ce gros mot, vous demandez-vous? La sigillographie est la discipline historique qui a pour objet l'étude des sceaux sous tous leurs aspects et quelle qu'en soit la date. Elle est également appelée la sphragistique, un autre gros mot.

Aujourd'hui, j'ai assisté à un atelier d'initiation en sigillographie aux archives départementales et il fallait que je vous partage ça rapidement.



Moules en silicone des sceaux, avec plâtre en poudre.
Moules en silicone et plâtre en poudre.

J'ai tout simplement adoré! Nous avions deux heures devant nous donc nous avons commencé à fabriquer nos propres sceaux en plâtre, autant vous dire que je m'en suis mis partout, mais c'était top. Le temps qu'ils sèchent, nous avons étudier la diversité des sceaux. Et là, scoop, je ne pensais pas qu'il y en avait autant.











Je vais faire une grosse impasse sur l'historique de son apparition parce qu'on le retrouve très tôt en Mésopotamie au IVème siècle avant notre ère, donc il y aurait beaucoup à dire.

Je vais juste signaler que jusqu'au début du Xème siècle, l'usage du sceau était réservé aux rois, et petit à petit, les princes territoriaux et les prélats l'utilisèrent. Les sceaux d'évêques apparaissent au XIème siècle, ceux des abbés ou des prieurs au XIIème siècle, ceux des nobles au XIIIème siècle.

Aux XIIIème et XIVème siècles, les bourgeois, les paysans et les artisans vont les utiliser et seront appelés sceaux dits de fantaisie, pour y faire apparaître leurs outils de travail.

L'usage du sceau se raréfie progressivement à partir du XVIème siècle et trois facteurs peuvent expliquer cette évolution:

• l'apprentissage de l'écriture qui implique l'utilisation de plus en plus fréquente de la signature.

• le développement du notariat.

• la diffusion du papier qui remplace le parchemin qui est le seul support d'écriture capable de résister au poids d'un ou de plusieurs sceaux.


Méthode d'apposition

Une courte vidéo vaut mieux que mille mots.


Description: sigillographie

Les matières, les formes et les couleurs diffèrent pour plusieurs raisons.

On en retrouve en argile quand ils datent de l'Antiquité, puis en cire et en métal (or, argent, plomb, étain, cuivre, bronze et laiton).

Un rajout de résine et de poix est fait pour durcir la cire et il arrive parfois que le sceau soit recouvert de vernis.

Ses formes sont multiples. Le rond est réservé aux hommes laïcs et personnes morales laïques. Le sceau ovale, dit en navette, est réservé aux femmes, aux ecclésiastiques (hommes et femmes) et aux personnes morales ecclésiastiques comme les abbayes, les prieurés et les tribunaux).

Il en existe également en forme de triangle ou d'écu, de losange, de carré, etc.

Les couleurs ont aussi leur signification, d'où le panel de couleurs disponibles. Les sceaux de couleur verte scellent les documents à valeur perpétuelle et générale, donc les manuscrits royaux ont ce sceau.

La cire jaune est utilisée pour les actes à effet transitoire comme les mandements et les actes administratifs, et la cire rouge est réservée aux lettre closes, c'est à dire aux lettres d'ordre privé.

La cire naturelle est de couleur blanchâtre à jaune miel. Pour obtenir les teintes désirées, on va rajouter des pigments à la cire. Pour du vert, on va rajouter de l'hydrocarbure de cuivre que l'on connaît sous le nom de vert-de-gris. Vous savez, la couleur que l'on trouve sur le toit de la cathédrale de Chartres.

Pour du rouge, on rajoute de l'oxyde de plomb. Pour du jaune, il s'agit de safran ou de soufre. Pour du brun, de la poix.

Chaque matrice qui servait à fabriquer le sceau, était brisée ou détruite quand la fonction perdait son titulaire. C'est principalement pour cette raison que l'on en retrouve peu en France.

Le champ est la partie essentielle du sceau, qui comporte l'image et est délimité par le filet. Ce champ est entouré par la légende.

Et la légende est l'inscription qui accompagne l'image. Elle est inscrite en latin jusqu'à ce que Louis XIII fasse apparaître une traduction "Louis, par la grâce de Dieu roi de France et de Navarre". Le début du texte se repère par une croix, une étoile ou un fleuron.


Les types de sceaux


Naïvement, avant de commencer un autre atelier appelé "Sigilla", je pensais qu'une personne avait un sceau et un seul, qui pouvait représenter ses armoiries ou autre, mais j'ai découvert qu'une seule et même personne pouvait en avoir plusieurs, et de différentes couleurs.

Si cela vous intéresse, vous pouvez aller faire un tour sur Sigilla qui est une base numérique des sceaux conservés en France. Vous pouvez faire des recherches à partir d'une personne, d'un titre de noblesse, d'une fonction ou d'un lieu de conservation.


• le sceau de majesté, de forme ronde est celui des rois. Généralement, il représente un personnage couronné, assis sur un trône et tenant un sceptre dans sa main droite et la main de justice dans celle de gauche, portant une chasuble et un manteau. Une fleur de lys apparaît sur le manteau. Ce sceau valide, comme nous l'avons dit plus haut, des actes de gouvernement et ceux expédiés au nom du roi.

La matrice du sceau et celle du contre-sceau du roi, sont conservées par le garde des sceaux.


Sceau de Louis XIV, roi de France. Acte datant de 1645. Il avait donc 7 ans.
Sceau de Louis XIV, roi de France. Acte datant de 1645. Il avait donc 7 ans. Photo personnelle.

J'ai pu contempler cet après-midi, un acte signé de Louis (XIV) datant de 1645. Alors âgé de 7 ans, sous la régence de sa mère, le sceau utilisé est celui dit d'enfant. Cependant, le roi le gardera toute sa vie.

On ne le voit pas forcément ici, mais il est bien vert, avec des lacs (liens) en soie verte et rouge.















• le sceau équestre principalement utilisé par les chevaliers et les nobles où est représenté un personnage à cheval avec armement et costume. On peut y voir les armoiries sur le bouclier. Il peut s'agir d'un sceau de guerre quand le cavalier est équipé pour le combat, ou un sceau de chasse quand le cavalier ou la cavalière tient un faucon ou un cor de chasse.

A l'atelier, il y en avait avec des fleurs de lys sur le caparaçon (housse d'ornement dont on revêt les chevaux montés ou attelés dans les cérémonies) du cheval.


Sceau équestre de Philippe Ier de Bourgogne. Date d'utilisation entre 1357 et 1360. Dimension 80 mm.
Sceau équestre de Philippe Ier de Bourgogne. Date d'utilisation entre 1357 et 1360. Dimension 80 mm. Base Sigilla.


• le sceau de type pédestre où les personnages sont représentés à pied, sous un décor architectural, est réservé aux seigneurs, aux femmes et aux ecclésiastiques.

• le sceau de type féminin a une forme ogivale ou en navette et représente une femme avec des fleurs, un oiseau qui est souvent un faucon. Elle y est voilée ou portant une coiffe. Des armoiries peuvent s'y trouver, les siennes et celles de son époux, à partir du XIIIème siècle.


Sceau d'Isabelle de Tachainville. Dimension 40x24mm.
Sceau d'Isabelle de Tachainville. Dimension 40x24mm.

J'ai pu admirer ce sceau aux archives départementales d'Eure-et-Loir cet après-midi, et constater sa délicatesse et finesse.

On y voit une femme en pied, de profil, tenant un livre dans ses mains sur lequel est inscrit : AVE MARIA. Elle est accompagnée de deux fleurs de lys.

Il paraît que ce n'était pas commun de représenter une femme avec un livre, on a voulu ici montrer l'érudition d'Isabelle de Tachainville. .











• le sceau de type ecclésiastique est en grande majorité en forme de navette.


Sceau de Maurice de Sully, évêque de Paris (1170). Archives nationales, sc/D 6782
Sceau de Maurice de Sully, évêque de Paris (1170). Archives nationales, sc/D 6782

"A l’origine de la construction de Notre-Dame de Paris, Maurice de Sully est représenté de face, assis sur un trône. Revêtu des ornements liturgiques de sa fonction, il bénit de la main droite et tient sa crosse de la main gauche."

Pour les religieux autres que les évêques et les abbés, les sceaux sont ornés de sujets empruntés à la vie du Christ, de la Vierge ou de saints.








• le sceau de type héraldique ou armorial est celui qui porte les armoiries.


Sceau du Duché de Bar, utilisé entre 1350 et 1530. Dimension 60 mm.
Sceau du Duché de Bar, utilisé entre 1350 et 1530. Dimension 60 mm.

Au centre du champ est gravé un écu aux armes de bar, sur un champ semé de croix recroisetées au pied fiché.

La légende est toujours en latin.














• le sceau hagiographique est très souvent utilisé par les institutions ecclésiastiques, un ordre de chevalerie ou même parfois par une localité. Il se distingue par la représentation des scènes du Nouveau ou de l'Ancien Testament, ou de la vie des saints.


• Le sceau des villes appelés sceau monumental car il représente généralement un détail architectural qui caractérise la ville. On dit alors que ce sont des armoiries parlantes.


Sceau de Pontoise.
Sceau de Pontoise.

Nîmes y représente ses arènes, Bayonne sa cathédrale et ici, Pontoise avec son pont qui traverse l'Oise.










• le sceau dit de fantaisie montre des animaux réels ou fantastiques, des végétaux, des outils, des métiers.

Des corporations de métiers ont leur propre sceau.

• j'ai failli oublier de vous parler des bulles papales et de ses sceaux en plomb! Le mot bulle (du latin : bulla = sceau), désigne un document important officiel du pape, scellé par un sceau en plomb.


Sceaux de Pape en plomb. Photo personnelle, AD28.
Sceaux de Pape en plomb. Photo personnelle, AD28.

On retrouve des lacs en soie rouge et jaune, les couleurs de la papauté.


Bulle en plomb du pape Urbain V, (1362-1370), diamètre 40 mm
Bulle en plomb du pape Urbain V, (1362-1370), diamètre 40 mm

Au-dessus de chaque visage, le SPA de gauche signifie Sanctus Paulus et le SPE de droite Sanctus Petrus.

Les actes les plus importants sont scellés avec une bulle en or, on l'appelle chrysobulle. Celle en argent, s'appelle un argyrobulle.


Bonus

Je ne pouvais pas vous laisser sans vous montrer le grand sceau de France.


Matrice du sceau officiel de la République de France. Hôtel de Bourvallais, Paris.
Matrice du sceau officiel de la République de France. Hôtel de Bourvallais, Paris.

Il représente la liberté sous les traits de Junon assise. Coiffée d'une couronne de laurier à 7 pointes, elle tient un faisceau de licteur symbole de la justice, surmonté d'une pique. Elle dirige un gouvernail sculpté d'un coq tenant dans ses pattes le globe terrestre. A ses pieds, on trouve un vase aux initiales SU pour suffrage universel. Et à l'arrière-plan, se trouvent les symboles des arts (chapiteau), de l'agriculture (gerbe de blé) et de l'industrie (roue dentée).

La légende mentionne "RÉPUBLIQUE FRANÇAISE DÉMOCRATIQUE UNE ET INDIVISIBLE".

La mention "XXIV FÉVRIER MDCCCXLVIII" se trouvait en bas du sceau mais a été effacée depuis. Le 24 février 1848 étant la date de la proclamation de la IIème république, par Lamartine.

Le contre-sceau mentionne "AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS" et la devise "LIBERTÉ, ÉGALITÉ, FRATERNITÉ" entourés d'une couronne de chêne et de laurier noués par des épis de blé et des grappes de raisin.

Il est l'œuvre du graveur Jacques-Jean Barre.



Voici donc un petit résumé de mes découvertes d'aujourd'hui. Et pendant ce temps-là, nos sceaux en plâtre n'ont pas fini de sécher donc je ne pourrais pas vous les montrer aujourd'hui.

La sigillographie peut être éloignée de la généalogie pure, mais on ne sait jamais, si un jour vous trouvez dans le grenier de papi Marcel une vieille malle remplie de papiers bizarres...


Sources:

Base Sigilla

Musée des sceaux

Société Française d'Héraldique et de Sigillographie


Posts récents

Voir tout
bottom of page